Nous avons toujours pensé qu’une Constitution ne devait contenir que ce qui détermine les formes de gouvernement, c’est-à-dire les rapports de ceux qui gouvernent avec ceux qui sont gouvernés. Mais quid des différentes Constitutions haïtiennes de 1804 à nos jours ? Par ailleurs, toute Constitution, vieille de plus de 30, 20 ou 10 ans, est sujette à des amendements qui peuvent être opérés quand le temps et l’expérience rendront nécessaires. La constitution de 1987, en 31 ans d’existence, est violée continuellement lorsque c’est nécessaire pour atteindre l’objectif visé des gouvernements
Port-au-Prince, 29 mars 2018 ((rezonodwes.com))-« De même que l’organisme du corps humain, l’organisme du corps social obéit à des lois rigoureuses« , écrivit le Docteur Louis-Joseph Janvier dans la préface de l’ouvrage « Les Constitutions d’Haïti de 1801 à 1885 », qui, ne pouvant être plus clair, définit la Constitution comme étant « un document d’une valeur réelle, absolue, incontestable. Là le fait se révèle, parle; l’idée, qui a animé telle époque, tels hommes, apparaît clairement« .
Autrefois, dans les Constitutions haïtiennes que nous avons survolées, nous trouvons des dispositions générales, des maximes de morale qu’il était bon d’y conserver aujourd’hui, afin que le peuple, les ayant sans cesse sous les yeux, s’en pénètre l’esprit et le cœur. Le 29 mars 1987, nous avons ratifié une Constitution rédigée à la va-vite, sur fond de caprice des militaires qui ont pris goût au pouvoir et d’émotions citoyennes ayant hâte de tourner la page des 29 années d’une dictature civilo-militaro-macoute rétrograde.
En 2011, croyant avoir laissé au temps et à la politique du pays de juger s’il est nécessaire d’amender la Constitution de 1987, de telle ou telle manière, le corps législatif qui avait la latitude nécessaire de la réviser, a causé du tort à la population en falsifiant plusieurs articles du fameux document non débattus. Et dans le pays passé pour être le champion de la corruption et de l’impunité, personne n’a été poursuivi voire empêché de revenir dicter à la nation ses quatre volontés.
Aujourd’hui, à la veille de l’ouverture des débats et de l’épanouissement des idées sur une éventuelle révision ou amendement (en profondeur) de la Constitution de 1987, à venir presqu’en fin du dernier semestre de l’année 2019, la Nation semblerait avoir tout à gagner avec le député Jerry Tardieu qui essaie de cerner toutes les idées convergentes vers la même direction. Mais y arrivera-t-il néanmoins sachant la dominance et l’ accaparement par un certain secteur du pouvoir par la force, le stratagème, à l’absence d’une vraie démocratie et donc de perspectives d’un réel changement. L’entrepreneur-législateur Tardieu aura tout de même le mérite d’avoir fouillé notre passé, interrogé le présent pour nous préparer un avenir meilleur à partir d’une nouvelle charte bien élaborée, digne du peuple haïtien, trop longtemps marginalisé avec une Constitution qui n’a rien apporté de constitutifs en 31 années d’application effective au rabais.
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La Constitution de 1987, 31 ans plus tard, n’a pas survécu aux horreurs de nos hommes d’état et gouvernants habitués à la corruption et l’impunité, au lendemain du 7 février 1986. La corruption qui, cependant, n’est pas simplement un problème de gestion ; il s’agit également d’un problème sociétal qui reflète les valeurs, les normes devant dicter la vie en communauté. Pour paraphraser le professeur Auguste D’Mezar intervenant sur Scoop FM, mercredi après-midi 28 mars 2018, « il faut que le problème de corruption soit posé et clair » avant de venir avec toute formation de nouvelle commission présidentielle, quitte à vouloir soulever des questions d’une importance particulière sur les “États Généraux Sectoriels” de la nation.
Le peuple haïtien en participant massivement au referendum du 29 mars 1987 pour lequel il était convoqué dans ses comices et en déclarant que la teneur de la présente Constitution est l’expression libre, spontanée et invariable de notre cœur et de notre volonté générale d’y adhérer, n’aurait jamais pensé à un éventuel retour des gouvernements militaires en Haïti, comme ce fut le cas avec les généraux Henri Namphy, Prosper Avril et Raoul Cédras. Ce jeudi 29 mars 2018, depuis qu’une nouvelle constitution a été votée, combien de fois, l’avons-nous vraiment prise pour boussole ? Si oui, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Alors, ne serait-il pas venu aujourd’hui le temps de faire un examen de conscience pour nous demander, dans quelle direction allons-nous depuis l’adoption, le 29 mars 1987, d’une nouvelle Charte qui, malheureusement, n’a pas su mettre hors d’état de nuire tous les pourfendeurs de cette nation. La Constitution de 1987 ou toute autre à venir éventuellement, n’aura assez d’efficacité et des points effectifs d’applicabilité tant que nos institutions restent bancales et corrompues avec des hommes et des femmes se plaçant au-dessus des lois qu’ils font parler à leur guise, en fonction de leurs intérêts mesquins.
Pauvre Constitution 1987, que de torts irréparables causés à Haïti en ton nom !